La revue Spered Gouez a vingt ans !
« La véritable importance de la poésie n’est pas sociale, elle est vitale.» Pierre Reverdy
Octobre 1991 - octobre 2011
Ceux qui me connaissent savent que je suis en général peu attentive aux anniversaires et aux commémorations en tous genres. Je n’ai d’ailleurs réalisé que juste avant l’été que Spered Gouez avait vingt ans, à l’occasion du trentenaire de la revue Décharge. Il faut croire que, malgré les difficultés, le temps passe vite, quand il est passé à la recherche d’une énergie vitale.
Entre 1991 et 2011, il y a un itinéraire de vingt années de compagnonnage avec le Festival du Livre en Bretagne, belle occasion de jeter aujourd’hui un coup d’œil sur le chemin parcouru.
Spered Gouez paraît chaque année à l’occasion du Festival du Livre en Bretagne. C’est la grande réussite du Centre culturel breton Egin de Carhaix qui organise le festival d’avoir permis à la revue d’exister et de durer. Combien y-a-t-il de salons et d’évènements dédiés au livre et à l’édition dont il ne reste hélas rien, une fois les portes refermées ? Nous ne mesurons notre chance que mieux.
Pendant ces deux décennies, Spered Gouez / L’esprit sauvage a publié 230 auteurs en 17 numéros et trois ouvrages hors-séries. En 1991, il subsistait peu de revues en Bretagne, après la disparition de quelques phares comme Foldaan et La Rivière Echappée. La poésie, malmenée par ceux qui prédisaient sa disparition tout en la préparant activement dans leurs stabulations hors-sol, vivotait tant bien que mal dans une quasi clandestinité.
Retour aux sources de la poésie
Le contexte était difficile. Heureusement, nous avions notre jeunesse, peut-être notre inconscience et notre naïveté… et le soutien sans faille du Centre culturel breton Egin de Carhaix. Il nous a fallu retrouver l’élan initial de la poésie, en revenant aux Sources (Robin, St-Pol-Roux, Segalen, Anjela Duval…), lui donner un mouvement et une force, ce que nous appelons depuis le départ de notre aventure l’esprit sauvage, c’est-à-dire la réunion du sens et des sens, l’alliance entre le sensible et l’intelligence, dans l’extraction du je de tout narcissisme. Spered Gouez a voulu retrouver une éthique poétique et rendre visible une poésie qui vit, témoigne et atteste de la présence du monde. La revue n’est pourtant en rien une école. Au contraire, les œuvres des auteurs que nous aimons et publions sont totalement personnelles. Mais ces auteurs-là ont cette capacité rare de passer de l’individuel au collectif et réciproquement.
En vingt ans, la poésie, non seulement n’a pas disparu, mais a même petit à petit retrouvé un peu de visibilité. Un signe fort que la poésie n’est plus tabou et a désormais toute sa place au grand jour : pour la première fois depuis son existence, le festival du livre de Carhaix s’apprête à rendre hommage à deux poètes de Bretagne, Anjela Duval et Armand Robin.
Nos auteurs sont également nombreux à pratiquer la lecture orale en publique, les récitals de poésie seuls ou avec musiciens, à enregistrer leurs textes. La poésie et la littérature ont désormais, encore timidement mais c’est un début encourageant, droit de cité dans des lieux qui accueillent régulièrement des rencontres et des lectures. Les festivals et les fêtes commencent à ouvrir leurs portes, à l’instar du Festival Interceltique de Lorient qui montre la voie en programmant les rencontres littéraires de Céline Bénabes et ses invités.
Sortirions-nous d’une période de glaciation ? Il est trop tôt pour l’affirmer et nous ne sommes pas de manière générale enclins à l’optimisme béat. Nous savons que l’édition de poésie est plus que jamais fragilisée. La baisse des financements publics pour tout ce qui est culturel risque de remettre l’élan en question. D’autant que pendant que le public et l’espace public s’ouvrent à la littérature et aux auteurs, les quotidiens et le monde des médias se ferment aux livres et inversent dangereusement le mouvement.
Le numéro des vingt ans
Nous sommes heureux pour nos vingt ans de revenir à Armand Robin, le poète réfractaire des souches que nous n’avons jamais quitté, avec Transfiguration, poème paru seulement dans une revue en 1938, beau cadeau de notre ami et collaborateur Jean Bescond. Le retour de ce poème à notre plaisir de lecture nous rappelle, si besoin est, le rôle indispensable des revues dans la sauvegarde du patrimoine littéraire.
Autre beau cadeau, J.G. Gwezenneg a accepté avec générosité de nous confier les deux œuvres qui illustrent notre couverture. L’artiste, graveur et sculpteur crée une œuvre forte et originale, digne de celle de Tal-Coat, autre artiste breton, mais, à 70 ans, il est encore loin d’être reconnu à sa juste valeur ici. A ce jour, aucune exposition d’envergure, aucune rétrospective de son œuvre n’a été organisée dans sa Bretagne natale.
Jacqueline Saint-Jean, ancienne rédactrice de Rivaginaires, a rejoint cette année nos chroniques Sauvages, forte désormais de sept fidèles chroniqueurs : Jean-Claude Bailleul, Jean Bescond, Eliane Biedermann, Yann Faou, Bruno Geneste et Patrice Perron.
Nous avons proposé à Guy Allix, déjà parmi nous l’an dernier, de créer sa rubrique, Passages, au sein des Chroniques Sauvages, en raison de son univers si personnel et si accordé à l’esprit sauvage.
Alain Jégou continue à nous proposer depuis le n°12 son Escale auprès d’un poète d’ailleurs, ici Fritz Werf, qui a édité en Allemagne en 1992 une anthologie bilingue de la poésie en Bretagne, et, certains s’en souviennent, était venu la présenter à Carhaix au Festival.
Tamm-Kreiz, notre dossier central et emblématique, continue de présenter des poètes qui ont une grande proximité intellectuelle avec notre revue et mènent dans la discrétion un important chemin. Après Alexis Gloaguen et Guy Allix, voici la poète et traductrice lorientaise Eve Lerner.
La partie réservée aux textes de création publiera les poèmes, nouvelles et textes courts (dont une suite de Joseph Conrad traduite de l’anglais par Eve Lerner) sur le thème « Atlantique » de 27 auteurs dont trois en langue bretonne.
Prolongements de la revue
L’existence de Spered Gouez s’accompagne aussi d’un bouillonnement, d’un sillage fertile. Un site d’information sur la revue s’est créé en été 2010, modeste encore mais probablement voué à prendre de l’importance (voir : http://speredgouez.monsite-orange.fr). J’ai mis en place mensuellement la Lettre de Spered Gouez, qui en est au n°30, diffusée à parution par courriel à 400 contacts et disponible ensuite sur notre site.
Avec quatre amis et auteurs de la revue, je suis à l’initiative de la création en 2007 des Editions Sauvages, structure associative indépendante qui a désormais trois collections et une douzaine d’ouvrages à son catalogue (voir son site : http://editionssauvages.monsite-orange.fr) et qui suit un chemin prometteur.
Marie-Josée Christien
Sommaire du n°17 Atlantique
Avis de tempête : carte Blanche à Gérard Cléry.
Escale : Fritz Werf, poète et éditeur allemand (dossier et entretien par Alain Jégou).
Mémoire : un inédit d’Armand Robin (dossier de Jean Bescond).
Tamm-Kreiz : Eve Lerner (dossier central et entretien par Marie-Josée Christien).
Les chroniques Sauvages, ensemble de rubriques de critiques et de notes de lectures de nos neuf collaborateurs.
27 auteurs sur le thème Atlantique.
Pratique
Spered Gouez / L’esprit sauvage sera présent au Festival du Livre les 29 et 30 octobre. Le n°17 sera au prix de 15 €.
Vous pourrez retrouver sur le stand Marie-Josée Christien et Guy Allix (avec Correspondances, leur recueil commun publié cette année aux Editions Sauvages, et leurs récents ouvrages personnels) pendant le week-end.
Jean Bescond viendra présenter des ouvrages de et sur Armand Robin.
Feront également halte sur le stand de Spered Gouez : Danielle Allain-Guesdon le samedi et Marilyse Leroux le dimanche après-midi, ainsi que Gérard Cléry (jour non annoncé). |
spered gouez à 20 ans : n°17
Marie-josée christien |